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château en ruine de la ferté vidame
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Si l’Eure-et-Loir m’était contée …

château en ruine de la ferté vidame

Lors de notre séjour dans le Nord, nous avons eu l’occasion à deux reprises de faire un (dé) tour dans l’Eure-et-Loir. Contrairement à l’Orne que je situais mal, je localisais l’Eure-et-Loir (à 200 bornes près dirons-nous), pour la simple raison que je pensais que c’était l’Eure-et-LoirE… vous comprendrez facilement que cette méprise n’est que la résultante de 35 ans de vie commune avec mon accent si délicat. Bref, je situais le département près de la Loire, ce qui est tout de même le cas (c’est exactement à 24 km au nord de la Loire – j’ai cherché !) même si le Loir n’est pas la Loire… vous suivez ? Parce que moi je ne suis plus sûre de suivre en fait.

N’ayant jamais entendu personne me dire « hey on part en vacances dans l’Eure-et-Loire » (oui LoirE, parce que mes amis — à quelques exceptions près — ont tous le même accent que moi et font tous la même méprise j’en suis certaine), je me demandais ce que l’on pouvait y trouver.

Nous fîmes notre première découverte eurélienne à Nogent-le-Rotrou, la ville la plus importante du Perche. Je vous mets une carte dès à présent pour ne pas perdre les sudistes, et surtout pour éviter qu’ils m’accusent d’inventer de nouvelles sous-préfectures.

Sur les hauteurs du Perche

Comme je vous l’écrivais la semaine dernière, nous n’avons pas pu visiter de manoir lors de notre visite de l’Orne… aussi, un peu frustrés de cet état de fait regrettable, nous avons cherché de vieilles pierres à nous mettre sur la dent. Notre dévolu s’est jeté sur le château-musée Saint-Jean de Nogent-le-Rotrou.

C’est sur les hauteurs de la ville que s’élève l’édifice. Massif et lumineux, il est difficile de passer à côté sans être attiré vers lui.

Une fois devant, sa façade s’impose, et son étroite porte vous guide vers la lumière.
château musée Saint-Jean de Nogent le Rotrou
 La genèse du château remonte au Xe siècle (oui c’est une longue histoire donc prenez un café, un plaid — parce qu’il commence à faire frais quand même — et continuez sereinement, ça va bien se passer).
À l’époque le royaume franc est sans cesse dérangé par des attaques de grands blonds installés dans le nord-ouest de la France. Suite à ces désagréments, le 11 juillet 911, un compromis est trouvé entre Charles III (appelé Charles le Simple, et fils de Louis le Bègue… mais qui nomme les rois ainsi ??!) et Rollon, un chef viking, pour apaiser les esprits. Le roi des Francs octroie à Rollon une de ses filles bâtardes en épousailles (épouse qui n’a alors que 4 ans…) et la Normandie ! En contrepartie, Rollon accepte de devenir un vassal du roi, lui et son peuple doivent se convertir au christianisme, et laisser le roi en paix. Un traité est signé, et les frontières actuelles de la Normandie voient le jour.

Quelques années plus tard, Thibaud le Tricheur (true name) voyant d’un mauvais œil tous ces Normands à quelques kilomètres de son comté (à savoir celui de Chartres), décide d’installer dans le Perche, alors zone tampon, un de ses fidèles, Rotroldus, et d’y édifier une tour de contrôle. Ainsi Nogent voit naître la dynastie des Rotrou qui va donner son nom à la ville. (oui tout ça pour venir là !! Je me suis bien battue je trouve, non ?)

Mais du temps de Rotroldus (pitié que ce prénom n’inspire aucune future maman), on ne trouve qu’un édifice en bois, il faudra attendre son fils, Geoffroy II, pour voir le château apparaître. Le donjon carré, que l’on peut encore admirer aujourd’hui, est construit autour de 1020.

Pendant de longs siècles (plein de conflits), les différents éléments apportés au château sont défensifs, ce n’est qu’au XVe/XVIe siècle que le bâtiment va prendre sa forme actuelle, notamment grâce à Charlotte et Marguerite d’Armagnac (petites filles de  Jacques II de Bourbon, roi de Naples grâce à  un 3e mariage, et devenu moine franciscain à cause de ce même 3e mariage – cette anecdote ne sert en rien notre château, mais j’avais envie de la partager) qui le reçoivent en héritage. Après un rapide passage entre les mains de la famille du duc de Sully (pour rappel, ministre d’Henri IV), et du comte d’Orsay (célèbre collectionneur d’art – je sens que vous êtes en train de faire un rapprochement, mais vous êtes loin du compte donc laissez tomber), le château devient une prison pendant la Révolution. Durant les décennies suivantes, il passera de main en main, jusqu’à son rachat par la ville en 1950.

Maintenant, vous avez une petite idée du lieu, on peut commencer la visite photographique…

À l’intérieur, on grimpe, on pousse des portes, et on se plonge dans l’Histoire rurale du Perche…

De nombreux objets retraçant les métiers et la vie de la région sont à découvrir, j’ai décidé de ne mettre que peu de photos pour vous obliger à vous rendre sur place admirer tout ça vous-même !! 🙂

La visite du château de Nogent-le-Rotrou a fait l’unanimité. J’ai été surprise de découvrir un lieu qui a joué un rôle si important dans la création de la Normandie et dans la guerre de Cent Ans (que je n’ai pas abordé ici, parce que cette période de l’Histoire me plonge dans un ennui sans fond), ce fut réellement une très belle découverte.
 château musée Saint-Jean de Nogent le Rotrou
N.B. L’entrée est de 3,35 € pour les adultes, et de 1,70 € pour les enfants de plus de 7 ans… à ce prix là, on ne peut pas passer à côté de ce morceau de l’Histoire percheronne !!
Plus d’infos sur le site de l’Office de Tourisme de Nogent-le-Rotrou.


 La Ferté-Vidame ou les aléas de l’Histoire

À présent, je vous propose de changer radicalement de décor, et de partir plus au nord du département, dans le village de la Ferté-Vidame. Je vous le dis tout de suite, ici, le cœur de ma fille a explosé de tristesse, et le mien s’est gonflé d’amertume.

L’Histoire nous a laissé des chefs-d’œuvre et des anecdotes rigolotes, mais aussi des désastres.

Quand nous sommes rentrés dans le village, et que nous sommes passés devant le parc du château, nous avons eu la sensation de découvrir un champ de bataille. La lourdeur du ciel accentuait encore un peu plus ce sentiment, et c’est dans un silence presque de deuil que nous avons fait le tour du site. (oui on prend très à cœur les vieilles pierres ^^)
Comme à Nogent-le-Rotrou, on trouve les traces d’un château sur ce site dès le Xe siècle. Bien qu’occupé par la famille de Vendôme, vidame de Chartres (d’où la ville tient son nom), dès le XIVe siècle, le château ne se fait une place dans l’Histoire qu’à partir de 1635. Date à laquelle le domaine passe aux mains de Claude de Rouvroy de Saint-Simon, petit page devenu favori du roi Louis XIII et père du mémorialiste Saint-Simon, qui écrira une majorité de son œuvre à La Ferté-Vidame. À la mort de l’écrivain, sa petite-fille vend le château et ses terres à Jean-Joseph de Laborde, financier et conseiller du roi Louis XV. Pris de folie, le banquier dépense sans compter pour transformer le bâtiment, ils s’entourent d’architectes et d’artistes de renom ; et rapidement La Ferté-Vidame voit défiler toute la noblesse européenne.

En 1784, Laborde a-t-il à peine fini les travaux que le roi Louis XVI le contraint à céder son château au Duc de Penthièvre (lui-même ayant été contraint de céder son château de Rambouillet au roi -quelle story la royauté). Le banquier achètera alors un autre château dans l’Essonne, celui de Méréville, qu’il réaménagera fastueusement et dans lequel il vécut jusqu’à ce qu’on vienne lui couper la tête.
Ainsi va la vie de la noblesse à la fin du 18e siècle… (passer de la vie de château à la guillotine… sacré destin pour tous ces gens quand on y pense…)
gravure du château de la ferté vidame en 1793
Gravure tirée du site Touraine Insolite
Pendant ce temps, le château de La Ferté ne connaît pas un meilleur sort…. Après la Révolution française, la duchesse d’Orléans, héritière du château, émigre en Espagne (elle avait sûrement comme une envie de garder sa tête sur ses épaules…), et vend alors le domaine à un certain Cardot-Villiers. L’homme est criblé de dettes, et démantèle le château quasiment pierre par pierre pour les rembourser. L’édifice et les jardins sont saccagés.

À la Restauration, le château revient aux mains de la Duchesse d’Orléans, mais les travaux de restauration ont ils tout juste commencé que les événements de 1848 (à savoir la 3e Révolution) les stoppent. Napoléon III récupère le tout sur son passage. Dans les décennies suivantes, le château va passer de main en main, les propriétaires s’installant dans les communs du domaine (nommés « Le petit château »), mais aucun n’aura les moyens, ni la volonté, de rendre sa splendeur à la bâtisse.

De 1945 à 1979, le Petit Château est transformé en maison d’arrêt pour femmes. En 1991, l’ensemble devient propriété du département d’Eure-et-Loir qui entreprend depuis des travaux pour permettre aux visiteurs de découvrir cet héritage atypique.

Il est impossible de visiter les ruines du château de Laborde, on ne peut que tourner autour et admirer les perspectives qui se dessinent dans les jardins. Comme je vous disais en introduction, c’est une visite qui nous a serré le cœur. On imagine facilement le faste du lieu, et quel patrimoine nous avons perdu.

Si vous passez dans l’Eure-et-Loir, ne ratez pas ce lieu : l’émotion est garantie.

Je vous laisse avec une petite vidéo trouvée sur YouTube qui permet de bien voir et comprendre le site.

NB : Lors de notre escale à La Ferté-Vidame, le ciel n’était pas franchement avec nous, comme vous avez pu le constater sur les photos, c’est bien dommage, car nous avions prévu de visiter la Forêt humide des Mousseuses qui semble être étonnante… donc si vous vous baladez dans la région, arrêtez-vous pour nous !! 🙂

2 châteaux à visiter dans l'Eure-et-Loir

7 comments
  1. Audrey

    Quel dommage pour ce château…. c’est clair que ça brise le coeur…

    En revanche, j’aime bien Rotroldus comme prénom…!!

    Comme d’hab, on voyage déjà quand on lit tes articles!

  2. chachaaventuriere

    Même quand tu racontes des faits historiques je suis obligée de rire.
    Tes photos du château abandonné sont très belles, pleine de mélancolie, j’adore !

  3. Famille France-trotteuse

    Un immense merci tu m’as réconcilié avec Nogent-le-Rotrou. Parce que vois tu depuis que je suis enfant j’associe cette ville avec le mi-parcours pour aller de chez mon père (qui à l’époque était en région parisienne) à chez mes grands-parents (qui à l’époque était dans la banlieue d’Angers). Ce trajet me semblait durée une éternité et donc je ne pouvais m’empêcher de maudire cette ville car j’avais déjà l’impression qu’arrivé à Nogent on roulait depuis des milliers d’heure. Il en fallait encore autant pour finir le chemin.
    En plus je trouvais le nom très très moche 🙂 Bon maintenant grâce à toi j’en connais un peu plus sur l’histoire de ce nom étrange (Rotoldus non mais jte jure excellent !!).
    Alors comme bien souvent on reste sur nos souvenirs d’enfants Oh grand jamais je n’aurai fait halte dans cette ville qui finalement semble bien sympathique comme quoi quelle surprise cet Eure-et-Loir(E) 🙂 !!!

    Pour ce château de la Ferté-Vidame effectivement quelle tristesse !! Moi aussi j’ai toujours un pincement au coeur quand j’en vois un en ruine. Cet été nous en avons vu un aussi au pays basque et c’est bien moche. Espérons qu’un jour il retrouvera un peu de sa splendeur d’autrefois.

    1. mitchka

      ooohhh… mais un grand merci à toi pour ce message enthousiaste !! j’attends donc ton billet sur Nogent-le-Rotrou, la bien nommée ^^

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