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Enjoy the Silence - découverte de l'île de Flores par Fish & Child(ren)
Portugal

Enjoy the Silence

Enjoy the Silence - découverte de l'île de Flores par Fish & Child(ren)

J’ai une passion pour le silence. Étant moi-même très bruyante, et ayant dans ma tête autant d’univers parallèles que Dali a peint de tiroirs, je n’aime pas le bruit et encore moins l’agitation. C’est une des raisons pour lesquelles je me sens vite mal à l’aise dans les grandes villes, ajoutez à ça, qu’il y a plus de poissons dans la nature que dans une métropole, nous privilégions toujours les destinations vertes et silencieuses.

Et s’il y a bien un lieu sur la planète où l’on a la paix, c’est l’île de Flores.

L’avion nous a baladés d’un côté puis d’un autre. Nous arrivions sur Flores, la côte était bien visible, mais l’océan toujours sous nos pieds, et nous étions pris dans des turbulences assez fortes pour que chaque passager serre fort la main de son voisin. Le coucou a rebondi une fois, deux fois, trois fois, mes filles riaient fort de ce tour de manège inattendu, et enfin, nous nous sommes posés sur un ruban de goudron coincé entre l’Atlantique et une colline verdoyante.

Flores est bien connue pour son climat difficile, c’est donc naturellement sous la pluie, et dans une brume épaisse, que nous avons pris le chemin de Fajã Grande.

route embrumée sur Flores - Açores
Pluie et brume épaisse

À quelques kilomètres de notre destination finale, nous sommes sortis du nuage, nous sommes passés devant une superbe rivière, une poule et des poussins nous ont salués sur le bord de la route, et enfin nous sommes rentrés dans Fajã Grande.

Nos hôtes partis, nous sommes restés un long moment tous les quatre sur la terrasse à contempler l’horizon : nous étions arrivés au bout du monde.

Vue de Faja Grande (Flores - Açores)
Ici se termine l’Europe Occidentale

Le bout du monde sur la carte



Interlude historique

Flores fut, avec sa voisine Corvo, une des dernières îles des Açores à être découverte, en 1452. Les premières tentatives d’installation échouèrent : sa situation, très excentrée du reste de l’archipel, fait d’elle une terre difficile à « aménager ».

C’est au XVIe siècle, sous l’impulsion de son nouveau « gérant » que l’île va voir arriver ses premiers vrais habitants.

À la fin de notre séjour, alors que nous logions à Santa-Cruz (sur le côte est), nous avons eu la chance de nous perdre un matin, et de nous balader sans l’avoir chercher, sur le site de Fajã do Conde, un des deux premiers « villages » de l’île. Le lieu est sublime, et si la pluie ne s’était pas invitée nous serions restés des heures dans ce cadre juste pour le plaisir d’être là et pas ailleurs.

(Juste pour préciser : une Fajã est une sorte de baie, une zone plus ou moins plate coincée entre le bord de mer et les falaises – sur Flores, seules les fajãs sont « habitables » puisque le centre de l’île est, très souvent, complètement embrumé )

Aujourd’hui, il semble qu’une seule maison soit encore habitée, le reste appartient aux vaches et à un cheval !

cheval de Faja do Conde

NB : Le chemin est goudronné, mais il est absolument impossible d’y accéder en voiture, il vous faudra utiliser vos petits mollets – attention le retour est raide …

C’est seulement un siècle après l’arrivée des premiers migrants que se développe le village de Fajã Grande, sur la côte ouest. Si le peuplement de l’île reste stable pendant de longues années, dès le XVIIIe siècle, sa démographie tourne à la baisse. L’isolement extrême de Flores, son climat, et ses tout petits 141 km2 n’en font pas un Eldorado. C’est donc une petite communauté principalement agricole, qui se met en place sur l’île, et qui existe toujours aujourd’hui.

La grande époque des baleiniers américains et de la pêche au cachalot va faire connaître à l’île (et à l’archipel en général) une sorte d’âge d’or qui se terminera dans les années 80 avec l’interdiction de chasser ces cétacés. Enfin, en 1994, la fermeture d’une base militaire française, dont l’installation avait amené la création d’un hôpital et un certain dynamisme économique, finit d’enfoncer l’île dans ses difficultés.

Depuis l’arrivée des premiers baleiniers américains au milieu du XVIIIe siècle, l’île n’a cessé de se vider de ses hommes, partis chercher fortune de l’autre côté de l’horizon. Dans les dernières années le mouvement s’est accéléré, faisant passer l’île de 7850 habitants en 1950, à 3800 habitants aujourd’hui, dont 1800 vivent à Santa-Cruz. La natalité est au ras des pâquerettes, il n’est d’ailleurs même plus possible de naître sur Flores, les femmes enceintes doivent se rendre sur Faial pour vivre la fin de leur grossesse. Le manque de formation et de services isole encore un peu plus le territoire qui l’est naturellement.

Alors, autant vous dire que si vous cherchez le calme et le silence ; ici, vous êtes servis !


Nous sommes restés quatre jours à Fajã Grande, quatre jours c’est peu dans une vie, mais suffisant dans un voyage pour prendre quelques habitudes. Ainsi, chaque matin, Jac est allé pêcher au petit port, et vers les coups de 11h nous descendions le rejoindre à travers les chemins de charrette. Si la vie était une carte postale, elle ne serait nulle part plus belle que figée à Fajã Grande.

J’ai passé ici des heures à regarder l’océan, le soir ou le matin, dans le silence, complètement hypnotisée par cet horizon qui cache le Nouveau Monde. Je comprends que lorsqu’on naît ici, qu’on vivote ou qu’on voit ses parents se débattre avec un mode de vie qui reste encore aujourd’hui assez rudimentaire (pour l’Europe), on ait envie de suivre la trajectoire du soleil.

Pourtant, à chaque fois que j’ai levé les yeux vers cette nature, je suis restée sonnée par tant de beautés réunies dans un espace si étroit. Je suppose que pour ses habitants, Flores est à la fois une prison et un jardin d’Eden.

Nous étions si bien à Fajã Grande, que nous avons limité nos activités au maximum, nous laissant vivre, et ne bougeant que lorsque l’ennui nous gagnait.

De ces quatre jours au Paradis, il me reste une grande émotion, un grand bonheur, la sensation d’avoir trouvé un lieu un peu magique hors du monde.

Après ces quatre jours au bout du monde, nous avons retraversé l’île pour passer quatre jours supplémentaires à Santa-Cruz, où rien n’est allé comme il faut, ou presque. Nous aurions pu 1000 fois retourner passer nos journées sur la côte ouest, seulement 30 minutes de voiture séparent les deux villes, mais ce séjour avait été tellement parfait que nous ne voulions pas risquer de l’entacher d’un mauvais souvenir.

Aussi, aujourd’hui, quand ça ne va pas, je peux me dire : Souviens-toi Fajã Grande. Et je respire.

Et si vous n’aimez pas le silence, je vous propose de lancer le diaporama qui va suivre en musique. J’aime beaucoup cette version de Moriarty d’Enjoy the Silence, mais rien ne vous empêche d’aller chercher la version de Dépêche Mode si vous préférez … 🙂


Balade photographique sur la côte ouest de Flores

Avertissement : les photos sont « classées » par lieu et non chronologiquement, d’où les changements de lumière et de météo d’une photo à l’autre !


La prochaine fois je vous parlerai du dragon de Flores, ce sera plus drôle et moins sentimental, promis 🙂

NB – La plupart des informations données dans cet article concernant l’Histoire de Flores proviennent de cet article : Insularité et dépeuplement : le cas de l’île de Flores aux Açores.

15 comments
  1. Lili

    J’aime beaucoup l’ambiance sentimentale de ce billet. C’est un exercice dans lequel tu excelles. Un joli sentiment de bout du monde et de temps suspendu.

  2. Laurent

    Pfu, Moriarty ! Nah, Depeche Mode sinon rien ! En plus, c’est le tout premier CD que j’ai acheté (oui, avant ça, j’achetais des vinyles). Bon OK, c’est à 90 % hors sujet, mais bon…
    Je l’avais déjà vu passer je ne sais plus où, mais je redis que la photo des cascades « Poço da Ribeira do Ferreiro » a franchement de l’allure. Les cascades aussi j’imagine, du reste !

    1. mitchka

      Alalala, je crois que je vais déclencher une guerre internautique avec cette version d’Enjoy the Silence … mais moi je la trouve très bien !! Sinon, et bien moi le premier CD que j’ai acheté c’est MC Solaar, je pense que ça t’en fous un coup, je me doute que c’est hyper choquant … mais que veux tu j’étais jeune, et bon faut se l’avouer MC Solaar c’est un peu le Dépêche Mode des années 90 ^^
      Resinon, c’est vrai qu’elles ont de l’allure ces cascades !

  3. chachaaventuriere

    Bon encore une fois je trouve que les açores ressemblent à Madère, sauf que là bas tu as le beau tems (presque) assuré.
    En tout cas, ce que tu nous montre est très très jolie, un coin de paradis. C’est dommage que l’île se vide, et en même temps cela la préserve de la soif des hommes de toujours tout vouloir transformer.
    Vivement la suite ….

    1. mitchka

      Oui tu as raison, c’est ce qui fait que l’île est si préservée, c’est compliqué de s’y installer et de développer quoi que ce soit… l’île se défend toute seule contre les hommes quelque part…

  4. Itinera magica

    Je commence par une supplique : OUIIII fais ton article spécial sur les cascades ! Cette île me fera revenir aux Açores, c’est certain – rien que pour les cascades. J’adore, j’adore.
    J’aime beaucoup ce récit de vie presque contemplative dans une île solitaire et sublime. On dirait du JJ Rousseau. J’attends la profession de foi du vicaire pêcheur azuréen 😉

  5. Caro

    Tes photos sont magnifiques, j’y retrouve les Açores comme je les ai vues à Sao Miguel, et en même temps si différentes. Ca me donne envie de découvrir cette île aussi…

  6. Béatrice Sabbe-Lefèvre

    En te lisant…. cela fait 6 mois que nous sommes rentrés, je me suis arrêtée sur une seule phrase. « Aussi, aujourd’hui, quand ça ne va pas, je peux me dire : Souviens-toi Fajã Grande. Et je respire. »
    Je fais la même chose. J’ai 56 ans, et Flores est pour moi, de toutes les destinations que nous avons faites, l’endroit où je me suis le plus « posée » en symbiose totale avec la nature sauvage environnante. Quand j’ai le blues, mon esprit s’envole vers Flores!

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