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France

Le jardin d’hélys ou le pays des merveilles

Nous sommes partis cet automne retrouver ma sœur en Dordogne, comme n’importe quelle famille qui décide de rendre visite à des parents installés à la campagne.

La Dordogne, c’est un terrain de jeu que nous connaissons bien, et dont j’ai souvent, ici ou , vanté les mérites. Aussi, lorsque nous sommes arrivés à Saint-Médard-d’Excideuil, nous ne nous doutions pas que nous allions faire une des découvertes les plus folles que la Dordogne a à offrir à ses visiteurs : le Jardin d’Hélys-oeuvre.

C’est ce lieu que j’ai choisi de vous présenter pour le rendez-vous #EnFranceAussi de ce mois-ci, organisé par Solange du blog Senior en Vadrouille, sur le thème « Les pépites de la campagne ».

 

À défaut de suivre le lapin, nous avions suivi le chemin

Le temps était clair ce jour-là, et nous avions passé la journée au bord du lac de Rouffiac … Après plusieurs jours de grisaille, la nature nous semblait douce et enveloppante, et aucun de nous ne souhaitait rentrer à la maison.

Les beaux-parents de ma sœur nous avaient parlé d’un jardin merveilleux, d’un espace où se bousculent arts plastiques, poésie, et botanique … Ce lieu, nommé le Jardin d’Hélys, se situe à Saint-Médard-d’Excideuil, soit à un jet de pierre de notre lieu momentané de résidence.

Aussi, après le goûter et avant que le soleil automnal se fasse la malle, nous avons emprunté le petit chemin blanc qui mène à ce lieu plein de promesses folles.

Alors que nous descendions de nos voitures, deux randonneurs , aux cheveux blancs et argents, sont venus à notre rencontre. Équipés comme de grands marcheurs, nous ne pouvions deviner qui ils étaient, d’où ils venaient, où ils allaient. La conversation a commencé très cordialement par les banalités qu’échangent les gens qui se rencontrent sans l’avoir cherché. Nous avons mis un instant pour comprendre qu’ils s’agissaient des propriétaires : Alain Piot et Moniqa Ray-Bool … aussi, bâton de marche en main, ils ont entrepris de nous raconter l’histoire du lieu avant de nous laisser déambuler dans le jardin.

La demeure du XIXe siècle avait vu le jour grâce à la volonté d’un notable du coin sur le domaine des Gissoux. Si elle porte le titre de maison de maître, elle a des allures de petit château ou de grand manoir, selon quels mots nous avons envie de choisir. La bâtisse est entourée d’un parc classé jardin remarquable de par les nombreuses essences d’arbre qu’on y trouve. Aussi, si le jardin d’Hélys est un délice pour les amateurs d’art, il l’est tout autant pour les amateurs de botanique.

Qui a eu cette idée folle d’un jour inventer l’École … d’Enseignement ménager Agricole ?

Le lieu fut transformé au début du XXe siècle en … École d’Enseignement ménager agricole ! ça, c’est un titre qui claque ! Le bâtiment accueillait donc des jeunes filles de la région portées par l’envie (ou/et l’obligation) d’être une bonne ménagère des campagnes. Selon nos hôtes, l’école aurait également accueilli des jeunes hommes, mais leur présence reste anecdotique.

De cette époque, un dortoir est visible à l’étage de la maison que nous n’avons pas eu le temps de découvrir, car la visite fut beaucoup plus longue que prévu.

Après plusieurs années d’abandon (bizarrement l’enseignement ménager agricole ne fut pas aussi porteur que nous aurions pu le croire), Alain Piot et Moniqa Ray-Bool, enseignants de leur état, à la recherche d’un cocon de verdure, ont entrepris, en 1995, de redonner un sens à ce lieu … voire plusieurs sens !

Une fois le point historique mené à bien, il fut question d’échiquier, d’Alice au pays des Merveilles, de roi blanc et de reine rouge. Il fut question de tout un tas de choses dont l’objectif, comme leur matrice, nous a parfois échappé.

Ce qui est certain, c’est que le jardin d’Hélys est fait de tout et de tout.

Ici, le rien n’a pas sa place. Et toute chose est le fruit d’une mûre réflexion, aussi cachée, ou difficile à cerner, soit-elle.

Je ne vais pas vous mentir, suivre les explications de nos guides ne fut pas chose aisée. Si le rythme de marche était doux, le rythme des réflexions poétiques/artistiques/philosophiques était soutenu. Je voyais Jac et ma sœur nager à contre-courant dans ce flot de paroles, quand mon beau-frère (qui ne parle pas français) et Joujou attendaient patiemment sur le côté que ça passe. J’essayais de suivre, de trouver les références dans ma mémoire d’étudiante en Histoire de l’art. Mon cerveau faisait des bulles.

Quand à Nounou, ma fille aînée, concentrée comme jamais, elle buvait chaque mot, prête à y noyer son âme.

Dans le bazar du monde

Je suppose que cette sensation d’errance entre deux mondes, entre le réel et l’imaginaire, c’est un peu la chute d’Alice dans le terrier du lapin.

Si notre balade dans le jardin nous a laissés souvent pensifs, notre petit aperçu de l’intérieur nous a laissés sans voix.

On rentre dans la demeure, comme on rentre dans une église. Murés dans un silence d’or qui s’impose à nous naturellement, nous suivons Moniqa Ray-Bool dans le rez-de-chaussée. Ici, les araignées ont la belle vie, les souvenirs s’entassent sans se faire prier, les cheminements de pensées multiples offrent une visite encombrée et nos esprits étroits se retrouvent coincés devant l’immensité des idées.

Si notre patrimoine est le témoignage de notre civilisation, le jardin d’Hélys est le témoignage de notre univers, ou plutôt d’une période de notre univers : une période de 30 ans.

Moniqa Ray-Bool travaille sur ce projet depuis 2001 (et jusqu’en 2031) : « … après les trente glorieuses, et par la grâce des trente VERtueuses, le jardin d’hélys exposera une poubelle de trente ans : énigmatique, ludique, interactive, électronique, écrite, visuelle, problématique et enthousiaste … »

Ce projet s’inscrit dans un autre bien plus grand, celui de la transformation du domaine des Gissoux en jardin d’hélys : « un atelier jardin, un ART’boretum, un PATRIMOINE habité [..] », et surtout un lieu ouvert à tous.

Deux heures après notre arrivée, le soleil se couchait et il nous fallait prendre congé. De plus, Joujou avait croisé les selles d’un animal semi-sauvage dans le jardin, et une odeur prenante de merde nous suivait dans les salles débordantes d’objets et de pensées. Il était clairement temps de partir.

Ce n’est pas à la critique que j’ai donné mes jours. Mes jours sont à la poésie. Soyez persuadés, rieurs, que je mène une vie poétique. Une vie poétique, creusez cette expression, je vous prie.

Louis Aragon, le Paysan de Paris. (Citation notée sur les ardoises)

Le jardin d’hélys est une maison d’artistes : la boîte aux lettres est donc partagée

Par respect pour nos hôtes, et enfin de ne pas entrecouper leurs explications de petits « clics », je n’ai pas pris de photos à l’intérieur. Je vous invite donc à rendre visite un de ces jours à Alain Piot et Moniqa Ray-Bool, les personnes les plus surprenantes qu’il m’ait été donné de rencontrer, pour découvrir de vos yeux leurs aménagements. Prévoyez une belle après-midi pour faire le tour de la propriété et fouiller la maison de la cave au grenier… tant de merveilles nous sont passées sous le nez faute de temps.

Pour ma part, j’espère bien replonger dans le terrier du lapin, avant 2031.

Vous pouvez suivre les actualités du jardin d’hélys-oeuvre sur leur page Facebook .

 


Ce mois-ci, pour bien commencer l’année (que je vous souhaite excellente), le collectif #EnFranceAussi, en collaboration avec les éditons Gallimard, est heureux de vous faire gagner le très bel ouvrage « En Forêt ».

ouvrage En Foret - Gallimard

 

(Un livre qui me fait d’autant plus plaisir d’offrir parce que mon ami Cédric a participé à son écriture 🙂 )

Pour le remporter, rendez-vous sur la page Facebook d’#EnFranceAussi. (conditions du concours ici)


Cet article participe au rendez #EnFranceAussi
organisé par Sylvie du blog le Coin des Voyageurs. 
logo enfranceaussi
26 comments
  1. Chacha Aventuriere

    Wouaaa … sérieusement je pense qu’on aurait flippé et on aurait pris la poudre d’escampette vite fait bien fait. C’est vous les aventuriers !

  2. Estelle

    Ça c’est pour le moins…insolite, autant le lieu d’origine (enseignement ménager agricole…WTF) que ce qu’en ont fait les proprio actuels. Ils m’ont l’air très…originaux mais tant mieux s’ils sont heureux avec leur projet actuel. J’imagine dans quelques années l’ouverture au public avec un circuit de visites guidées, boutique de souvenirs bizarres et compagnie.
    Je reste quand même très perplexe face aux sacs poubelle jaunes le long de l’escalier à vis , mais bon je ne suis pas très artiste dans l’âme, je ne comprendrai peut-être jamais.

  3. Delphine

    Un endroit plein d’âme, comme je les aime. Je note l’adresse ! Cette école d’enseignement ménager agricole me rappelle cette anecdote au boulot. Alors que le centre de documentation procédait à un « désherbage », on était plusieurs à farfouiller dans la benne et un collègue a trouvé un livre de conseils pour être une bonne ménagère quand on vit avec un agriculteur. Une collection de clichés éculés, bien sexistes. Autant te dire qu’il est reparti avec le bouquin !

    1. mitchka

      J’avais un livre comme ça dans ma chambre (anciennement celle de mon arrière-arrière-grand-mère) quand j’étais petite. C’était génial : il y était noté le nombre de verres de vin qu’un homme pouvait boire le soir en fonction de son métier. Autant te dire que la vie était rude pour ceux qui étaient coincés dans des bureaux : pas plus d’un verre par jour ! ^^

  4. Sabrina

    J’adore cet état d’esprit, un peu barré, beaucoup poétique et passionnément…passionnément libre. Des artistes!
    Bon pour l’odeur de caca, zavez déconnée, les gars.

  5. Paule-Elise

    Wow, quelle visite extra-ordinaire !! Des fois, je me sens un peu dingue, et après j’entends parler de gens comme ça et je me sens super normale finalement !! Ça doit être fou cette impression de plonger dans l’esprit de quelqu’un, la comparaison avec Alice au pays des merveilles est très bien trouvée. C’est une vraie pépite que tu nous as trouvé là !

    1. mitchka

      c’est un lieu vraiment fou, qui provoque beaucoup d’émotions, et même si on n’a pas tous ressenti le lieu de la même façon, on a tous pris une claque !
      Et effectivement, je suis assez fière de ma trouvaille ^^

  6. Pauline

    Ça a l’air magique comme endroit … Perché mais magique ! Je note bien précieusement le nom pour notre prochaine balade en Dordogne ! Merci pour cette belle pépite Mitchka

  7. sylvierandos

    Eh bien, voilà là une découverte pour le moins surprenante ! Je ne m’attendais pas du tout à ça derrière le nom de ce jardin… Si ce lieu et ses aménagements me laissent au premier abord un peu perplexe, j’ai en revanche beaucoup aimé ton récit et ta façon de le présenter et le décrire ! Bravo et merci à toi !

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